5 régimes alimentaires originaux en zoo

À travers le monde, les parcs animaliers – zoos et aquariums – élèvent des milliers d’espèces différentes et sont maintenant capables d’en assurer la survie à long terme. Mieux encore, il s’y produit des reproductions régulières d’animaux parfois rares dans la nature. Cette performance est rendue possible par une bonne connaissance des régimes alimentaires, mais aussi par une continuelle innovation en alimentations animales.

Les soigneurs animaliers participent directement à cette évolution. Ils notent les choix et les préférences des animaux dont ils s’occupent. Ils contrôlent aussi la bonne qualité des aliments utilisés et assurent la distribution des rations aux bons moments de la journée. Ils améliorent continuellement leurs pratiques et échangent avec leurs confrères du monde entier pour partager leurs expériences.

Cet article présente 5 espèces animales dont les régimes alimentaires spécifiques constituent un défi pour les équipes animalières des zoos, des centres de soins et des refuges. Ces illustrations vous convaincront sur la technicité du métier de soigneur animalier et l’importance de se former. Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Le koala

Le koala est un marsupial originaire d’Australie. Il fait partie des animaux les plus célèbres d’Océanie et les visiteurs apprécient son apparence de peluche vivante. Mais c’est aussi un animal très exigeant, qui demande une alimentation parfois difficile à fournir en dehors de son pays natal.

Le koala est l’une des rares animaux à consommer de l’eucalyptus. Il tire des feuillages de gommiers australiens la quasi-totalité des nutriments dont il dépend. Les koalas s’alimentent d’une centaine d’espèces d’eucalyptus, sur les 800 connues en Australie. Et ces marsupiaux montrent leurs préférences pour quelques-unes d’entre elles. Mais ils consomment aussi d’autres espèces végétales en plus petites quantités.

Les feuilles des eucalyptus contiennent des substances toxiques. C’est le cas des tanins. Mais elles sont aussi très pauvres en protéines. S’en nourrir est une véritable prouesse qui mobilise des adaptations physiologiques et comportementales importantes.

koala
Koalas – mère et jeune – dans un parc animalier. Crédit photographique : Mathias Appel

Pour survivre avec une nourriture faiblement énergétique, les koalas ont un métabolisme bas et restent de longues heures inactifs. Leur foie assure la détoxification continuelle des substances absorbée et en circulation dans le sang.

Pour couvrir ses besoins, chaque animal doit ingérer entre 400 grammes et 1 kilogramme de feuillage quotidiennement. La première étape de la digestion passe par une longue mastication. Les incisives tranchantes permettent de couper les feuilles coriaces en petits morceaux. Les molaires broient les tissus fibreux. Ce traitement mécanique est la première étape de la digestion.

Le koala a l’une des digestions les plus longues chez les mammifères. Les fibres ingérées subissent une digestion durant plusieurs jours. C’est dans une portion de leur gros intestin – le caecum – que la flore bactérienne va produire les enzymes nécessaires à la dégradation des fibres et à la libération des nutriments. Ces bactéries utiles vont aussi produire des protéines et des vitamines indispensables à la survie de l’animal.

Le koala boit très peu et s’aventure rarement sur le sol. L’animal trouve l’eau sur et dans le feuillage, sous la forme de rosée ou de gouttelette de pluie. Son organisme est aussi très efficace pour économiser l’eau sous un climat souvent chaud et aride. Ses crottes sont d’ailleurs asséchées pour réduire les pertes hydriques.

Koala en captivité. Crédit photographique : Francesco Scotti

Bien que la maintenance en captivité des koalas soit complexe, leur élevage se fait depuis plusieurs dizaines années. En Australie, ce marsupial est très commun dans les parcs animaliers. Mais il est beaucoup plus rare à l’étranger. En France, le ZooParc de Beauval présente des koalas et fête régulièrement des naissances.

Les zoos qui présentent des koalas doivent donner chaque jour de feuillage frais d’eucalyptus. La difficulté pour s’approvisionner explique en partie la rareté des koalas dans les parcs zoologiques en dehors d’Australie. 

Pendant longtemps, le Zoo de Duisbourg en Allemagne, s’approvisionnait en feuillage d’eucalyptus depuis la Californie. C’est-à-dire à 9000 kilomètres de distance. Les branches étaient acheminées deux fois par semaine par avion. Mais actuellement, le zoo allemand achète des feuillages produits dans le sud-ouest de l’Angleterre.

Le panda roux

Le panda roux est un mammifère originaire du sud-est asiatique. Les pandas roux vivent dans les régions montagneuses de l’Himalaya. Comme le koala, il s’agit d’une espèce qui s’alimente en grande quantité d’un aliment peu énergétique et pauvre en protéines. Mais il ne s’agit pas d’eucalyptus, mais de bambous.

Ce qui est étonnant, c’est que le panda roux a un système digestif d’un carnivore. C’est-à-dire que son tube digestif est court et qu’il ne présente pas de zone hypertrophiée pour la fermentation des fibres végétales. Pour compenser ce handicap, le panda va s’alimenter d’une grande quantité de jeunes pousses et de feuillage encore tendre.

Le panda roux est toutefois ouvert à d’autres ressources alimentaires. Dans son milieu naturel, il s’alimente de fruits, de champignons et lorsque cela est possible, de petits animaux, comme des oisillons ou des oeufs.

Pour survivre et trouver suffisamment de nourriture, le panda roux doit circuler sur un vaste territoire. Malheureusement, la déforestation menace la survie de cette espèce. On estime qu’il existe moins de 10.000 individus dans la nature. Les programmes de reproduction en parc zoologique sont une garantie pour la survie de cette espèce de mammifère.

Mais pour envisager la conservation d’une population captive en bonne santé et obtenir suffisamment de reproduction, la nutrition doit être maîtrisée. Par le passé, l’élevage était difficile. Mais à présent le panda roux est communément reproduit en captivité, car tous les paramètres de son élevage sont connus et maîtrisés.

panda roux
Panda roux. Crédit photographique Adam Khalife

Heureusement, les bambous sont des plantes faciles à cultiver. Beaucoup d’espèces résistent à des hivers particulièrement froids. Chez les bambous les plus rustiques, le feuillage persistant n’est pas détruit avant un gel de -20°C. On peut planter ces végétaux en extérieur dans un parc animalier. De plus, l’aspect ornemental des bambous est apprécié des visiteurs. Les soigneurs animaliers ont alors accès à une nourriture en abondance, tout au long de l’année.

La ration des pandas roux en parc animalier est constituée de rameaux de bambous pour plus de la moitié. Mais aussi de croquettes pour animaux folivores – c’est-à-dire d’animaux qui se nourrissent de feuilles – de légumes et de fruits. Des compagnies spécialisées en nutrition animale proposent aussi de la poudre de bambou, que les soigneurs animaliers peuvent incorporer aux rations, afin de les enrichir en fibres végétales.

Pour que la digestion soit plus efficace, la ration est distribuée en plusieurs apports durant la journée. Ce fractionnement permet aussi de garder les animaux plus actifs. Cette activité est importante pour la santé psychologique des pandas roux, mais aussi pour les visiteurs qui souhaitent voir des animaux en mouvement.

La chauve-souris vampire

L’une des mammifères les plus étranges est probablement la chauve-souris vampire. Cet animal ailé a une alimentation très spécialisée et dépend totalement de ses hôtes pour sa survie. La chauve-souris vampire se nourrit de sang, qu’elle prélève sur de grands mammifères et des oiseaux. Le sang est un aliment de qualité, qui contient tous les nutriments indispensables à sa survie : glucides, lipides, protides, vitamines, sels minéraux et l’eau.

Une chauve-souris doit parcourir de grandes distances pour trouver ses hôtes. Elle s’approche d’eux durant la nuit et incise avec ses dents tranchantes la peau pour s’abreuver de sang. Chaque chauve-souris en consomme quelques centimètres cubes, puis disparaît. Cette opération ne tue pas sa victime. Un même animal pourra être attaqué nuit après nuit par plusieurs vampires.

chauves souris vampires
Colonie de chauves-souris vampires. Crédit photographique : Ucumari Photography

Parfois, la chasse n’est pas un succès. Les chauves-souris ne trouvent pas toujours un hôte à vampiriser. Ou bien ce dernier se réveille à l’approche du vampire et le fait fuir. Ainsi privée de nourriture, la chauve-souris peut mourir de faim.

Heureusement, les chauves-souris vivent en groupe et partagent entre elles la nourriture collectée. Celles qui n’ont pas trouvé d’hôte reçoivent des plus chanceuses une ration sous la forme de sang régurgité. Les chauves-souris vampires ont donc développé un système social perfectionné.

Chauves-souris vampires nourries avec du sang frais. Crédit photographique : Mark Dumont

Ce comportement surprenant a motivé des chercheurs à élever des groupes de chauves-souris vampires en laboratoire. Pour se faire, il leur était nécessaire de rationner tous les soirs leurs groupes de chauves-souris en sang frais.

Le sang n’est toutefois pas un produit commun. L’approvisionnement se fait auprès des abattoirs de volailles. Pour ces industries, le sang est un sous-produit qui n’est pas toujours valorisé et qui doit être éliminé. Il n’est pas difficile d’en obtenir si l’on trouve une source à proximité du zoo.

Le sang peut être conservé quelques jours – au maximum 72 heures – au réfrigérateur, si l’on y ajoute un anti-coagulant. Le principe est simple, mais l’approvisionnement ne peut pas manquer de rupture.

Les colibris

Dans la nature, les colibris s’alimentent du nectar qu’ils trouvent dans les fleurs. Et certaines plantes ont évolué pour entretenir une relation de réciprocité avec ces oiseaux nectarivores. La forme de leur fleur correspond alors à la taille du bec et à sa courbure. Et la couleur des inflorescences de ces plantes est souvent rouge. Les fleurs qui attirent les insectes sont plutôt blanches ou jaunes.

Le nectar contient principalement des glucides simples, c’est-à-dire des sucres comme le fructose et le glucose. Ces nutriments à digestion rapide sont une source d’énergie pour des oiseaux qui peuvent battre jusqu’à plus de 100 fois leurs ailes chaque seconde.

Par contre, la quantité de protéines contenue dans le nectar est faible. Mais il est prouvé que les colibris ingèrent aussi de petits insectes qui s’introduisent dans les fleurs pour consommer le nectar et le pollen. Les oiseaux peuvent alors accéder à une nourriture suffisamment diversifiée pour leur survie.

colibri sur fleur d'Heliconia
Colibri qui se nourrit sur une fleur d’Heliconia au Costa-Rica. Source photographique : Scott Zona.

En captivité, les colibris sont rarement élevés. Ces oiseaux sont fragiles et demandent à être gardés sous serre. De plus, ils voyagent difficilement d’un endroit à un autre. Il faut en effet les nourrir tout au long du transfert pour ne pas les perdre par hypoglycémie. Mais quelques collectionneurs privés et parcs animaliers gardent des colibris et assurent leur reproduction.

L’une des difficultés est d’offrir à ces oiseaux une alimentation de qualité tout au long de la journée. En effet, le nectar est un liquide sucré qui est avarié quelques heures après sa préparation. Son fort taux de sucre et la chaleur contribuent à une rapide prolifération des bactéries. Il faut donc changer plusieurs fois dans la journée les pipettes et le nectar qu’elles contiennent. 

Il est aussi intéressant de planter des plantes nectarifères dans la serre ou la volière des colibris. L’élevage de drosophiles – minuscule mouches qui se nourrissent de fruits – permet aussi d’apporter aux oiseaux un complément en protéines.

Les calaos

De nombreux oiseaux tropicaux et surtout des espèces qui s’alimentent de fruits – dites frugivores – peuvent souffrir d’une alimentation trop riche en fer. Avec les mois et les années, les oiseaux peuvent tomber malade et mourir d’intoxication. Beaucoup d’espèces de calaos se montrent sensibles à l’excès de fer dans l’alimentation. C’est surtout le cas chez les calaos originaires du sud-est asiatique.

Pour éviter l’accumulation de fer dans les organes et plus particulièrement au niveau du foie, il faut adopter une alimentation pauvre en Fer. Les oiseaux peuvent recevoir des fruits comme la pomme, le melon d’eau et le raisin. Par contre, d’autres fruits seront à éviter car trop riches en Fer.

calao à bec ondulé
Calao à bec ondulé. Crédit photographique : Kim Bartlett – Animal People, Inc.

Il faudra aussi abandonner la distribution des agrumes et des kiwis, car ils contiennent une trop forte concentration en vitamine C. Celle-ci participe à une plus forte assimilation du fer présent dans le tube digestif. De plus, les oiseaux – contrairement aux êtres humains – synthétisent leur propre vitamine C. Il n’est pas utile de s’en soucier.

Pour couvrir les besoins nutritionnels des calaos en macro-éléments (glucides, lipides, protides) et en micro-éléments (vitamines, sels minéraux), il faut aussi apporter un aliment complet. Car le seul rationnement en fruits n’est pas suffisant. On risque alors l’apparition de carences.

Il existe depuis plusieurs années des croquettes qui apportent tous les nutriments indispensables aux oiseaux. Mais ces aliments ont été formulés pour ne pas contenir beaucoup de fer. Ces aliments ont un taux de fer inférieur à 100 mg par kilogramme d’aliment sec.

L’usage de ces aliments complets permet de garder les animaux en bonne santé pendant de nombreuses années. On connaît des calaos qui ont plus de trente ans en captivité et qui se reproduisent régulièrement. Encore une fois, la nutrition apporte une solution aux gestionnaires des parcs animaliers.

S’initier à la nutrition des animaux de parc zoologique

Ces cinq exemples de régimes alimentaires ont été sélectionnés sur la base de leur originalité. Mais il existe beaucoup d’autres exemples qui mériteraient d’être cités ici ou dans un autre article. Toutefois, ils illustrent bien l’importance de parfaitement connaître les besoins des animaux que l’on garde en captivité. Sans une alimentation équilibrée, la plupart des animaux meurent prématurément. De plus, les succès en reproduction sont très rares.

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Nourrissage d’un lémurien couronné. Crédit photographique : Mathias Appel

Pendant longtemps, les parcs animaliers n’avaient pas les compétences en interne pour satisfaire les besoins de leurs pensionnaires. Et les succès étaient rares, ou plus exactement concernaient seulement les espèces les plus robustes.

Heureusement, les parcs animaliers évoluent et de plus en plus de leurs employés et dirigeants sont formés à la nutrition animale. Si ces connaissances vous intéressent – car vous souhaitez devenir soigneur animalier – vous pouvez suivre notre module “Nutrition des animaux en parc zoologique”. Ce module fait partie de la formation Préparation soigneur animalier. Pour en savoir davantage, cliquez sur le lien suivant : https://formationsoigneuranimalier.fr/

Pour résumer

En apportant les bons aliments et en couvrant les besoins en nutriments, ces animaux ne souffrent ni de carence ni d’obésité. En ajoutant de bonnes conditions de captivité – et notamment des installations bien aménagées, de dimensions adaptées,… – on obtient de bons résultats en reproduction.

Les connaissances en nutrition sont fondamentales pour les soigneurs animaliers et les responsables des parcs zoologiques. Il est donc important de connaître les bases de biochimie et de physiologie pour offrir aux animaux de bonnes conditions de captivité. La formation des soigneurs animaliers et des responsables animaliers est indispensables. L’échange entre professionnels et éleveurs amateurs est également profitable. L’adhésion à une association de soigneur animalier permet aussi de rejoindre un réseau d’experts.

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